Définition du Cost of Equity
Avec les obligations on emploie le terme « taux de rendement » pour le taux actuariel, ou discount rate en anglais. Pour les actions le discount rate est synonyme de Cost of equity, mais ce faisant, nous quittons la terre ferme du calcul actuariel.
Le Cost of Equity est un concept intuitivement simple – la performance qu’on peut raisonnablement attendre – mais source de nombreux débats et d’approches très différentes. Les sites pédagogiques de référence sont en anglais :
Selon Investopedia “A firm’s cost of equity represents the compensation that the market demands in exchange for owning the asset and bearing the risk of ownership. The traditional formula for the cost of equity is the dividend capitalization model [modèle de Gordon] and the capital asset pricing model (CAPM)”
Selon Wikipedia “the cost of equity is the return [] a firm theoretically pays to its equity investors” puis plus loin “[the] current cost of equity is unobservable and must be estimated”
Pour résumer, le Cost of Equity est un concept théorique et inobservable, et on peut l’estimer de manières très différentes :
– prendre comme estimateur les performances sur une période de plusieurs années. Cette solution contestable est parfois utilisée par certains consultants.
– prendre un autre estimateur, le Earning Yield (l’inverse du Price Earning Ratio). C’est une solution de bon sens et mesurable, utilisée par exemple dans les bons articles de The Economist. Mais nous allons voir qu’elle est insuffisante.
– utiliser le CAPM, qui donne des Cost of Equity théoriques. Le CAPM a de nombreuses vertus mais rien ne relie les résultats aux performances réalisées.
– comme les analystes, faire un DDM (Discounted Cash Flow) ou DCF (Discounted Cash Flow), basés sur le modèle de Gordon. Il faut alors se donner des prévisions de l’activité et de rentabilité de l’entreprise.
Tout ceci est incompatible avec l’objectif de ACE, qui est de mesurer combien l’action « rapporte » chaque jour du passé jusqu’à aujourd’hui inclus. Comment y remédier ?
La clé de ACE vient de la principale propriété des taux actuariels : pour une obligation, si pendant une période donnée (sans coupon au milieu) le taux actuariel est inchangé, alors la performance annualisée est égale au taux actuariel. En généralisant le principe aux actions :
nous définissons le Cost of Equity comme la performance annualisée si le niveau de valorisation ne varie pas.
Le niveau de valorisation est une inconnue en plus, mais nous connaissons les performances et nous avons l’objectif posé au départ : toute performance doit être exactement expliquée par le Cost of Equity qui court et par la variation de valorisation.
Avant d’entrer dans le processus, revenons aux Earning Yield.
Tout serait simple si une action pouvait être regardée comme une rente donnant chaque année le bénéfice à l’actionnaire. Le Cost of Equity serait alors le taux actuariel de la rente, le Earning Yield en l’occurrence.
L’expérience et la théorie montrent que le Cost of Equity est supérieur au Earning Yield. Une entreprise en forte croissance comme Amazon a eu 25.1% de performance annuelle de fin 2002 à fin 2022, avec un Earning Yield moyen de 0.8%. Il est impossible de combler l’écart par des changements de valorisation.
Une action n’est pas une rente parce que le revenu est croissant. La croissance est au cœur du rendement des actions.
Mais de quelle croissance s’agit-il ? Pour définir le Cost of Equity d’une action, il faut faire un choix : quelle est la grandeur dont on veut suivre la croissance ?
Deux modèles de ACE tournent opérationnellement :
– le modèle C, comme Capital invested, analyse la performance de l’action en suivant la croissance de ses capitaux investis,
– le modèle S, comme Sales, analyse la performance de l’action en suivant la croissance de ses ventes.
Dans ce qui suit, on prend l’exemple de Johnson & Johnson (JNJ) avec le modèle ACES : la grandeur dont on suit la croissance est le volume des ventes.
Étape i. Construction du Cost of equity et de l’Investment Return
Les prix sont en quotidien, entre le 27 déc 2002 et le 30 septembre 2022 ; les bilans trimestriels commencent en mars 2001.
ACE calcule le Cost of Equity « ref Sales » avec notamment les bénéfices, la croissance des Sales, le levier :
L’Investment Return (^{1}) est le cumul du Cost of Equity avec le temps :
chaque jour l’Investment Return est multiplié par 1 + \text { Cost of Equity(t) } \cdot \Delta t
L’Investment Return est comme la NAV d’une Sicav monétaire fictive et merveilleuse, qui parviendrait à toucher tous les jours le Cost of Equity de JNJ.
C’est aussi la valeur au cours du temps de JNJ, qu’adopterait un investisseur qui aurait les moyens et le droit de faire abstraction des changements de valorisation de JNJ.
Passons alors aux variations de Valorisation de Johnson & Johnson.
Étape ii. Construction du niveau de Valorisation et du Speculative Return
Indépendamment du Cost Equity, ACE produit la série quotidienne d’un ratio lié au ratio Entreprise Value / Sales.
Ce ratio est appelé \text { Sales GRAAL } , noté \text { GRAAL } _S, pour
Sales Growth Rate Ajusted Ace Level
La Note Actions n°1 explique cette notation.
Avec Johnson & Johnson, \text { ACE } _{S} donne :
Ce ratio pourra être comparé à celui d’autres actions ; il donne aussi une lecture directe les mouvements à la hausse et à la baisse du niveau de JNJ, indépendamment de la tendance à la hausse de JNJ, qui vient de son rendement (son Cost of Equity)
Pour avoir l’indice de Valorisation, il suffit de rebaser le niveau \bm {GRAAL_S} à 100 au départ.
On l’appelle le Speculative Return (^{2}) :
Notons que sur 20 ans, JNJ reste dans une bande de valorisation du simple au double.
Étape iii. Vérification et Analyse du Total Return
La performance Total Return s’obtient avec les variations de prix et les éventuels dividendes, c’est une donnée publique.
Les deux composantes Investment Return et Speculative Return ont été calculées indépendamment. L’égalité est ensuite strictement vérifiée, en quotidien :
Total\, Return\, du\, jour = Investment\, Return\, du\, jour+ Speculative\, Return\, du\,jour\,
Pour obtenir des indices partant de 100, on cumule de jour en jour les performances Total Return, Investment Return et Speculative Return ; par simplification on garde la même dénomination pour l’indice ou pour la performance du jour.
Les indices Investment Return et Speculative Return ont déjà été montrés dans les graphes i2 et ii2 qui précèdent.
D’où la représentation graphique de l’analyse de la performance par ACE, en rassemblant les trois indices :
Le graphe (iii) résume la puissance de ACE :
L’indice Total Return, qui est une donnée publique, est entièrement expliqué par le cumul de ce que l’action rapporte (indice Investment Return), et le cumul des variations de Valorisation (indice Speculative Return).
Conclusion
\text { ACE } _{S} a bien répondu aux deux questions de départ :
- Combien Johnson & Johnson rapporte dans les conditions actuelles ?
Réponse : Le Cost of Equity (graphe i1), est calculé tous les jours, y compris le dernier jour de calcul, aujourd’hui le 30 septembre 2022 : 10.4% - Quel est son niveau de Valorisation ?
Réponse : Le niveau de Valorisation \text { GRAAL } _S (graphe ii1) est lié au levier et au ratio Entreprise Value / Sales
Et on vérifie chaque jour :
\bm {Total\,Return\,en\,\Delta t = Cost\, of\,Equity\, \cdot\Delta t+\Delta GRAAL/GRAAL}
Cela permet de prononcer les phrases suivantes :
« Aujourd’hui, compte tenu du prix et des données financières publiées et forward de Johnson & Johnson, sa performance annualisée sera égale au Cost of Equity = 10.4% , au cas où le ratio Entreprise Value / Sales ne varie pas dans la journée qui vient »
Et :
« Aujourd’hui, compte tenu du prix et des données etc.., la performance Total Return non annualisée de Johnson & Johnson sera égale à la somme de
« Investment Return » (^{1}) et « Speculative Return » (^{2}) avec :
Invest.\, Return\, du\, jour = Cost\, of\, Equity \cdot \Delta t = 10.4\% /365 = 0.028\%
Spec.\, Return\,du\,jour = performance\, du\, niveau \, GRAAL _S
qui sera constaté en fin de journée »
Comme ACE répond à ces questions pour tous les jours de la série historique, on peut analyser le Total Return sur toute la période, et le représenter dans le graphe (iii) ci-dessus.
(^{1}) (^{2}) Les termes Investment Return et Speculative Return sont repris de l’article de Jack Bogle et Michael Nolan.
Occam’s Razor Redux: Establishing Reasonable Expectations for Financial Market Returns.
JOHN C. BOGLE AND MICHAEL W. NOLAN THE JOURNAL OF PORTFOLIO MANAGEMENT FALL 2015